Alain Satié
La dynamique évolutive du roman
roman visuel excoordiste, 2010
"La série romanesque La dynamique évolutive du roman a pour vocation d'établir l'importance du mouvement (de la représentation d'une dynamique évolutive) dans la peinture, qu'elle soit traitée de manière romanesque ou plastique. Les futuristes avaient tenté d'intégrer la cinétique dans la toile par le biais de représentations de mécaniques ou de corps en mouvement, par l'exaltation de la vitesse, mais le résultat acquis semble plutôt statique, figé sur la toile ; ils n'ont obtenu que l'illusion d'un déplacement. L'exaltation du monde moderne par des traitements surannés pour qui se prétend avant-gardiste, tels l'utilisation de la technique divisionniste impressionniste ou par les effets du cubisme pour faire interférer formes, rythmes, couleurs et lumières afin d'exprimer une sensation dynamique est définitivement rejeté : la représentation du mouvement restait à faire, de la fiction il fallait passer à la réalité.
L'étude du mouvement dans la série romanesque La dynamique évolutive du roman est traitée, tel un flot ininterrompu, évolutivement de toile en toile. De la stagnation du carré, blanc sur blanc, neutre, j'arrive à concrétiser une hypergraphie coloriée : la page blanche s'agite, se modifie, se matérialise, se colore, jusqu'à ce qu'une hypergraphie apparaisse ; elle grandit jusqu'à occuper la totalité de l'espace de la toile, là, elle trône rayonnante, puis après un temps d'arrêt s'évade de l'espace réservé à la peinture, d'abord petit à petit, progressivement, puis de plus en plus vite, entièrement ; elle prend vie, s'émancipe. La suite logique des mutations anecdotiques, ressemble peut-être au cycle de la vie. L'hypergraphie passe de l'une à l'autre toile harmonieusement, sans heurt, dans une logique constructive.
La seule présence, même muette, de cette hypergraphie hors de sa toile, se dirigeant vers le cosmos et irradiant de mille feux doit provoquer, inciter, les amateurs à imaginer le dénouement arrivé de la fin de la société lettriste et infinitésimale pour assister à l'avènement d'une société artistique encore plus riche de possibilités : celle de (la nécessité irrémédiable) la branche excoordiste de l'art.
A l'instar des Cathédrales de Claude Monet, j'ai réalisé une série de peintures dans laquelle chaque toile ne vit qu'en fonction, qu'en présence de la précédente et de la suivante. Les Cathédrales de Monet sont belles en soi, toutes : chaque toile peut se suffire à elle-même ; mais, il faut considérer que chacune n'a de valeur qu'en fonction des autres, chacune ne vit non pas isolément mais par rapport aux autres, juxtaposée aux autres, dans une confrontation permanente ; chacune décline un moment de la journée et comporte son lot d'aléas : chaleur, pluie, lumière du matin, du soir, etc. C'est la totalité de l'accomplissement obtenu à différentes heures de la journée qui crée l'originalité de la série, c'est l'opposition des différences entres elles qui justifie leur valeur. Les recherches de Monet l'on poussé à obtenir, sur sa toile, une luminosité inédite résultant d'effets de la dissolution du contour du sujet placé sous diverses influences atmosphériques, effets prépondérants ; il a fixé l'immédiateté, l'instant présent, ce qui le conduit à la suppression de la forme et à l'inconsistance du sujet ; il a crée une atmosphère. Seule une vision muséale de la totalité de la série peut rendre compte de l'extrême originalité de l'ensemble.
La totalité des peintures de la série La dynamique évolutive du roman peut seule rendre compte également de la cinétique excoordiste, une seule peinture ne renseigne que d'un état de fait immédiat, sans résonance : la toile, née du néant, se développe, et part gagner le cosmos dans lequel elle doit irradier de son savoir l'humanité afin de propager les données qui la compose. Chaque page de ce roman, chaque toile, ne prend vie qu'en fonction de la précédente et de la suivante.
On pourrait rétorquer que la chose est normale pour un roman : il ne viendrait à l'idée de personne de sauter une page de lecture dans un roman ; mais dans celui ci les éléments qui le constitue ne sont pas d'ordre verbaux, alphabétiques, mais sujets à la dimension visuelle, plastique ; ils sont de dépendance excoordiste sur une assise hypergraphique. A la visualisation des éléments propres de la transcription visuelle obtenue par l'expression hypergraphique s'ajoute ceux de la chose écrite, anecdotique : la transcription est devenue un art visuel et doit se comprendre et se lire comme telle. Or, on peut aller directement et librement vers l'hypergraphie avec laquelle on se sent le plus d'affinité mais jamais il ne faudra oublier qu'elle fait partie intégrante d'un ensemble et que sa raison d'être est justement de faire partie de cet ensemble. C'est la particularité spécifique de l'ensemble qui induit la perception du mouvement.
L'ensemble disposé se déroule sur près de quinze mètres de long. Pour cette photographie j'ai positionné l'une sur l'autre une partie des peintures afin de montrer leur mobilité (celle qui représente le détachement de l'hypergraphie de son support et son envol hors de la toile pour se répandre dans le cosmos)."
Alain Satié
à la Galerie du XXIe siècle, le 25 janvier 2011
Le texte présenté ici est le texte original d'Alain Satié tel qu'il nous l'a envoyé. Seules quelques fautes d'orthographe ont été corrigées, ainsi que quelques signes de ponctuation pour une meilleure lisibilité.
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